FEUX SACRÉS

Samios est grec. Il a su peindre des icônes selon les règles de Byzance. Il a appris son art à l’école des Beaux-Arts d’Athènes. Mais comment être grec de nos jours, peintre grec? Italien, à la bonne heure. Allemand, certes. Français, à la rigueur. Mais grec, tout chargé d’un savoir, de méthodes et d’idées qui n’ont plus rien à voir avec l’art dit contemporain? Voilà qui semble presque invraisemblable. A moins qu’il ne s’agisse d’un anachronique… D’un de ces érudits duplices qu’une fantaisie de la mode et du conceptuel a promu le temps d’une saison à la lucarne de l’avant-garde. Ceux-là, extrémistes plus ou moins transavantgardistes, ont regardé vers la Grèce, histoire d’y récupérer quelques mythologies à bricoler.

Samios pourrait bien être de cette espèce. Ses tableaux ont tôt fait de démentir pareille typologie. Il suffit de les examiner. Bien sûr, ils se prévalent d’un air de dignité classique. Les humains s’y ressemblent et s’y reconnaissent, tout comme les tables, les horloges et les cendriers. Le dessin les tient fermement dans son réseau de courbes et contre-courbes, il résiste aux couleurs, il suggère des modelés et des expressions. Ces personnages, femmes toutes, en blouse et jupe plutôt d’été, ont la maigreur rigide ou, à l’inverse, l’embonpoint noble des figures d’un Savinio ou d’un Carra des années vingt. Les réminiscences ne se cachent pas: le peintre les avoue pour mieux les oublier ensuite. Mais elles ne forment pas l’essentiel des toiles.

C’est ici que les confusions doivent cesser et qu’il n’ importe plus guère que le style s’approvisionne en idées chez tel ou tel. Si Samios, précisément, ne peut être longtemps pris pour un nostalgique, il le doit à ses obsessions. Ces femmes longues à têtes ovales ont des attitudes singulières. Tantôt elles fument, des bouffées grises de fumée cotonneuse s’ échappent de leurs bouches et d’innombrables cigarettes. Des flammes venues du ciel, flammes anormales, allument leurs blondes sans que ces beautés s’en effarent – habituées de longue date au diabolique de ces Pentecôtes infernales. Tantôt d’autres, les mêmes, les sœurs des premières, tout en fumant jouent avec un dragon serpent de couleur verte, lequel crache une langue enflammée et procure bien du plaisir à ces pécheresses d’un genre nouveau. Plus besoin de Saint-Georges, plus besoin de Roger: Angélique folâtre avec son reptile adoré, elle se pâme à ses étreintes doublement brûlantes. Dans le ciel, une main aux doigts pointés vers le couple apparaît au centre d’une couronne de nuages: main divine, œil divin.

Ces scènes ne peuvent que déplaire. On croirait même qu’elles déplaisent au peintre, qu’il n’a pas pu faire autrement, qu’il a dû les décrire; mais désapprouve l’inconduite de ses créatures. Un art en apparence si policé, d’une clarté que l’on croit d’abord conventionnelle! Il tourne à la satire. Ni l’autobiographie, ni la morale – celle des moralistes – ne lui font défaut. Le mythe ne doit plus rien alors à la culture, et tout à l’inspiration de son inventeur. Celui-ci a eu la révélation de son enfer, il en donne un aperçu, voilà tout.

Retour à la Grèce, pas celle des rhéteurs mais celle de Samios, celle des peintures sacrées de Constantinople, des Vierges et des Enfers rêvés dans les monastères. Peut-être l’affreux lézard incendiaire et séducteur descend-il de ces épouvantes médiévales. Peu importe. De ses lointains, très lointains ancêtres, Samios a retenu une tout autre leçon: qu’il n’ait d’art qui tienne le mur que celui qu’une passion et un sens habitent. Qu’un peintre entende faire siennes ces sentences et leur donne forme avec efficacité – et ironie – mérite quelque considération. Qu’un artiste tel que Samios puisse exister, voilà un des signes qui laissent penser que l’époque du vide pourrait bien être révolue.

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